Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette rupture inévitable et successive de l’empereur Napoléon avec toutes les forces de la pensée humaine, avec la puissance intellectuelle sous toutes ses formes, a quelque chose de remarquable. On l’a vue se reproduire avec une périodicité qui a un caractère monotone et fatal. Au début de sa puissance, Chateaubriand, Bonald et de Maistre écrivent librement ; Fontanes est non-seulement toléré, mais accueilli et protégé ; le Journal des Débats est encouragé dans sa croisade intellectuelle contre la philosophie du dix-huitième siècle ; madame de Staël est en France, et son salon et ses écrits jouissent d’une égale liberté ; enfin, les autels sont relevés, le culte est honoré, le saint-siége est environné de respect et M. Frayssinous ouvre sans obstacle ses conférences. Dans la dernière période de l’empire, Chateaubriand, Bonald, Joseph de Maistre, sont condamnés au silence ; Fontanes est disgracié ; le Journal des Débats, confisqué ; madame de Staël, exilée ; le pape, captif ; le clergé français, persécuté ; la compagnie de Saint-Sulpice, dispersée, et M. Frayssinous se voit interdire l’accès de la chaire du haut de laquelle il a fait tant de bien à la génération nouvelle. Il n’est pas possible que cet ensemble de résultats analogues soit l’œuvre du hasard, ils doivent être dominés par une loi, et cette loi n’est pas difficile à découvrir. Quand le premier consul arrive, il se présente comme un moyen au service de la société française ; mais peu à peu il devient son but à lui-même, et c’est alors qu’il se trouve amené à briser