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M. de Frayssinous, déjà catéchiste, eut le bonheur d’obtenir la rétractation du curé de cette paroisse, un des adhérents de la constitution civile du clergé. Quand, les temps devenant plus mauvais encore, l’exercice du culte fut complétement interdit, M. Frayssinous se réfugia à Sévérac, et M. Boyer à Paumes, manoir de sa famille. Entre ces deux résidences, peu éloignées l’une de l’autre, s’élevait un immense plateau qui dominait les lieux d’alentour ; ce point intermédiaire était le rendez-vous commun des deux amis qui, les yeux attachés sur le beau paysage qui se déroulait à leurs pieds en racontant les bontés du Créateur, venaient échanger leurs réflexions sur les grandes et redoutables leçons qu’il donnait en ce moment au monde. Ils entraient dans les conseils de la justice de Dieu, et espéraient dans sa miséricorde ; la divinité de la religion leur paraissait plus haute, au milieu de tant d’exemples de la fragilité des choses humaines, et la vanité des idées philosophiques du dix-huitième siècle se révélait à leur esprit par leurs conséquences.

Malgré les menaces de proscriptions, les deux jeunes prêtres n’avaient point discontinué l’exercice de leurs fonctions sacerdotales ; seulement ils les remplissaient en secret. Au plus fort de la terreur, ces deux serviteurs de Dieu, voulant se familiariser avec le genre de mort qui les attendait dans le cas où ils seraient découverts, convinrent d’aller voir tour à tour l’échafaud dressé en permanence sur la place publique de Rodez. « L’épreuve m’a réussi, dit en revenant M. de Frayssi-