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atteints au commencement du siècle, se trouvaient saisis par cette philosophie de M. Royer-Collard, dont le point de départ était placé plus près de l’homme, et en particulier moins loin des intelligences qu’il fallait faire sortir du sensualisme. Sans doute cette philosophie avait ses côtés faibles et ses lacunes ; on pouvait regretter, nous l’avons dit, que M. Royer-Collard, après avoir fait justice de tant de suppositions gratuites, prises par les philosophes comme bases de leurs systèmes, eût maintenu cette supposition non moins gratuite d’après laquelle l’homme, isolé de tout secours, tirerait par sa propre force toutes ses idées de l’exercice de ses facultés, tandis que tant d’idées lui sont communiquées en même temps que le langage et par le langage, cet instrument intellectuel qui est en même temps une révélation traditionnelle. Mais, quand on compare cette philosophie au sensualisme de Condillac, il est impossible de ne pas reconnaître que M. Royer-Collard faisait faire un grand pas aux intelligences, et qu’il rendait un service signalé à la société française en relevant le niveau des âmes.

L’enseignement de M. Royer-Collard n’attira point la foule : les préoccupations, nous l’avons dit, étaient ailleurs ; mais il attira un auditoire d’élite, des élèves destinés à devenir des maîtres, et qui se montraient passionnés pour un tel professeur. Au pied de cette chaire se tenaient deux jeunes hommes alors inconnus du public, mais dont M. Royer-Collard avait pressenti le talent destiné à jouer un si grand rôle dans les