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qu’à l’absurde les conséquences logiques du système de Condillac, et avoir achevé cette revue des éléments divers qui vinrent exciter, entretenir et développer la grande maladie du scepticisme, M. Royer-Collard s’écrie, avec une éloquente tristesse : « Voilà où conduit l’esprit de système. Ah ! que l’orgueil est peu fait pour l’homme ! Que l’histoire des opinions philosophiques est fatigante, et que ce tableau de l’esprit humain est humiliant[1] ! » Aussi triste qu’humiliant, en effet, pour ceux qui oublient que, là où la philosophie s’arrête avec ses problèmes, la théologie commence avec ses axiomes : si un éloquent sermonnaire put dire en face du cercueil du plus grand des rois : « Dieu seul est grand, mes frères ! » l’historien de la philosophie peut, à plus juste titre encore, s’écrier, après avoir raconté les erreurs surprenantes des plus savants philosophes, que la science, comme la grandeur, n’appartient qu’à Dieu. C’est pour cela même que l’histoire de la philosophie n’est pas une étude stérile. « Il n’en est point de plus instructive et de plus utile, dit M. Royer-Collard ; car on y apprend à se désabuser des philosophes, et l’on y désapprend la fausse science de leurs systèmes[2]. »

C’est par ces graves enseignements que, vers les dernières années de l’empire, M. Royer-Collard ramenait dans la philosophie deux hôtes trop oubliés par elle, le

  1. Fragments : Doctrine de Condillac (tom. III des Œuvres de Reid, pag. 419.)
  2. Fragments : Si la durée est absolue. Tome IV, p. 426.