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il dit : « Les idées sont, comme les sensations, des manières d’être de l’âme ; » tantôt idéaliste, car il écrit ailleurs : « Ce sont les sensations qui nous représentent les corps ; les sensations, considérées comme représentant les corps, se nomment idées, mot qui, dans son origine, n’a signifié que ce que nous entendons par image ; » que tantôt il est égoïste, c’est-à-dire, en langue philosophique, qu’il ne croit pouvoir affirmer que sa propre existence parce qu’il la sent, sans pouvoir affirmer celle de l’univers, « où rien n’est visible pour nous, » selon lui, car il a écrit tout un chapitre sous ce titre caractéristique : De l’incertitude du jugement que nous portons sur l’existence des qualités sensibles ; tantôt il tombe dans le nihilisme de Hume — car il a écrit cette phrase qui détruit la substance et anéantit l’être : « Le moi de la statue n’est que la collection des sensations qu’elle éprouve, et de celles que la mémoire lui rappelle ; » et ailleurs cette autre phrase : « Qu’est-ce qu’un corps ? C’est cette collection de qualités que vous touchez, voyez, quand l’objet est présent ; et quand l’objet est absent, c’est le souvenir des qualités que vous avez touchées et vues. » Or comme, selon Condillac, les qualités des corps ne sont que des sensations, si le moi n’est qu’une collection de sensations, le monde physique et le monde intellectuel s’évanouissent à la fois, et la sensation qui, séparée de l’être, est un néant elle-même, surnage seule sur les abîmes sans fonds et sans rives du néant.

Ce n’est pas sans raison qu’après avoir poussé jus-