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tout ; disons le mot, elle se fit Dieu. C’est ainsi qu’elle arriva, par une progression logique, dans les dernières années du dix-huitième siècle, à la négation de toutes les vérités religieuses, philosophiques et sociales, et à la subversion de toutes les lois.

Cependant, il ne serait ni juste de dire, ni raisonnable de croire que ce triple mouvement ait été un effet sans cause, et que cette application excessive du libre examen à la religion, à la philosophie et à la politique, quelque téméraire qu’il ait été, n’ait produit ou ne soit appelée à produire aucun progrès. Les plus grands esprits du catholicisme n’ont pas fait difficulté de reconnaître, après comme avant la réforme protestante, que la situation d’une partie du clergé et les abus qui s’étaient introduits dans les choses religieuses, devaient amener une crise, et le cardinal Julien a prononcé, à cette occasion, des paroles d’une force incomparable. Mais voici quelque chose de plus péremptoire : l’apôtre saint Paul, dès le début du christianisme, a écrit cette phrase : Oportet hæreses esse, il faut qu’il y ait des hérésies. Terrible il faut, s’écrie à ce sujet Bossuet. Oui, l’arrêt est terrible, mais il est plein de sens. Qu’est-ce que l’hérésie ? C’est la contradiction, la contradiction qui s’attaque à la vérité, mais qui, en cherchant ses points vulnérables, l’oblige à se dégager des ombres que les passions humaines ont pu mêler à son divin éclat, c’est-à-dire des abus. Telle a été, on le sait, l’influence du protestantisme ; l’Église n’a pas été vaincue, elle n’a pas accepté la fausse réforme des