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monde, car la conscience ne nous rend témoignage que des opérations intérieures de notre esprit.

S’il ne le vit pas, d’autres le virent. Malebranche chercha à franchir, à l’aide de la révélation, l’abîme creusé par Descartes, et il déclara qu’il n’y avait qu’une raison de croire à l’existence des corps : c’est qu’elle avait été révélée. Berkeley alla plus loin ; il tira du principe de Descartes sa véritable conséquence, en déclarant que la matière était un raffinement philosophique, et nia son existence, non-seulement comme dénuée de preuves, mais comme impossible. Un peu auparavant, Locke, dont Berkeley ne fut que le disciple conséquent, avait entrepris de franchir à son tour l’abîme, en proposant de considérer comme conformes aux objets les idées simples, mais en avouant que cette conformité n’est que probable ; puis il ajoutait : « Que si, après tout cela, il se trouve quelqu’un qui veuille mettre en question l’existence de toutes choses, il doit considérer que nous avons une assurance telle, qu’elle suffit pour nous conduire dans la recherche du bien et dans la fuite du mal que les choses extérieures nous causent ; à quoi se réduit tout l’intérêt que nous avons à les connaître. » Le scepticisme grandit, mais il n’est pas arrivé à ses dernières conséquences. Locke va le pousser aussi loin, à l’égard des esprits, que Malebranche l’a poussé à l’égard des corps. Selon ce philosophe anglais, « nous ne pouvons pas plus connaître qu’il y ait des esprits finis réellement existants, par les idées que nous avons