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durée universelle, d’une durée contingente à une durée nécessaire, d’une durée limitée à une durée illimitée ? Quant à moi, je l’ignore ; ma tâche est d’exposer le fait, non de l’expliquer. Le procédé par lequel je connais cette durée, je l’appelle induction ; mais ce nom n’est pas la cause, il n’exprime que le fait. Il n’y a point de génération, il n’y a point de déduction ; il n’y a que succession dans l’ordre des connaissances. Et il en est de même de la substance et de la causalité. La saine philosophie s’arrête là ; elle consiste à ignorer ce qu’elle ne peut savoir ; elle est précisément cette ignorance savante dont parle Pascal, cette ignorance qui se connaît, et à laquelle il faut arriver quand on est sorti de l’ignorance naturelle, sous peine, dit-il, de faire les entendus et de juger de tout plus mal que tous les autres[1]. »

Si la philosophie avait toujours eu dans le passé cette modestie et cette réserve, si, après M. Royer-Collard, elle avait toujours conservé ce caractère, que d’écueils auraient été évités ! Elle aurait été un hommage de l’homme étudiant avec une respectueuse admiration les lois intellectuelles posées par le Créateur, et ne s’étonnant point de rencontrer dans cette étude l’incompréhensible, qui témoigne seulement combien la compréhension humaine est bornée. Malheureusement les études philosophiques, ceci n’est pas une rai-

  1. Fragments de Royer-Collard, publiés par Th. Jouffroy (Induction de la durée hors de nous) ; Œuvres de Reid, t. IV, p. 391.