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M. Royer-Collard n’avait point fait, jusque-là, de travaux spéciaux sur les sciences philosophiques ; mais son esprit pénétrant et porté aux méditations transcendantes s’était naturellement arrêté sur les questions fondamentales : l’homme, sa nature, son origine, son but, sa manière et sa raison d’être ; l’âme de sa doctrine philosophique comme de sa doctrine politique, était un spiritualisme rationaliste. Il rencontra dans ses lectures un écrivain étranger qui lui présenta l’idéal de sa propre philosophie : c’était Thomas Reid[1], ce chef de l’école écossaise, alors inconnu en France, quoiqu’une traduction de son premier ouvrage eût paru en 1768, traduction plutôt encore ignorée qu’oubliée. La méthode à l’aide de laquelle Reid avait renversé les systèmes de Locke et de Hume, frappa M. Royer-Collard par ce qu’elle a de profondément sensé et de logiquement applicable à la théorie de Condillac. Cette idée de transférer dans le domaine de la philosophie la méthode d’observation, à laquelle on devait la découverte de tant de vérités dans le domaine des sciences naturelles, et d’abandonner l’esprit de système, cette source inépuisable d’erreurs, allait devenir la règle de son enseignement.

Appelé, en 1811, à professer l’histoire de la philosophie moderne à la faculté des lettres de l’académie de Paris, M. Royer-Collard ouvrit son cours le 4 décembre de la même année. Il remplit ces fonctions de 1811 à

  1. Thomas Reid, philosophe écossais, né en 1710 à Strachan, comté de Kincardine.