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finit par paraître possible, et elle se prolongea pendant tout le consulat, pour ne s’arrêter qu’à l’empire. Il était arrivé une fois de plus à M. Royer-Collard ce qui lui était déjà arrivé souvent, ce qui devait lui arriver encore pendant sa longue carrière. Le fait avait gagné de vitesse l’idée : pendant qu’il cherchait le droit pour en faire une pierre angulaire de la société, la force, sous sa forme la plus éclatante et la plus glorieuse, s’était présentée pour bâtir sur la pointe d’une épée cette hérédité monarchique à laquelle M. Royer-Collard aurait voulu donner un principe pour fondement. Il se soumit sans résistance, mais sans enthousiasme à l’empire, avec cette défiance qu’il concevait toujours à l’aspect de la violence, et, à partir de ce moment, il cessa sa correspondance avec Louis XVIII. Son esprit abandonna la politique où il ne pouvait réaliser sa théorie, et où il ne voulait pas devenir l’instrument d’une théorie toute-puissante dont l’origine plaisait peu à son intelligence et dont l’avenir lui inspirait des doutes. Il se réfugia dans la science, où il restait maître de sa pensée, et ce furent surtout les sciences exactes qui occupèrent ses veilles. De là, sans doute, ces formules d’une précision géométrique dans lesquelles il jetait ses idées comme dans un moule. Ce fut dans cette studieuse retraite que le choix de Napoléon, averti par la renommée de ce penseur solitaire, autour duquel les esprits d’élite commençaient à se grouper, alla le chercher pour l’appeler à une chaire de philosophie dans l’université qu’il fondait.