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philosophie, c’était celle de Condillac qui continuait à dominer.

Ici vient se placer la remarque d’un historien de la philosophie au dix-neuvième siècle[1] : c’est qu’il y a une correspondance étroite entre les idées philosophiques dominantes dans une époque, et l’histoire politique de cette époque. Dans les plus mauvais jours de la révolution, on avait vu le matérialisme abject de d’Holbach et la morale toute physique de Volney, appliquée, non selon ses préceptes, il est vrai, mais selon sa logique, dominer dans les idées du parti vainqueur, pendant que la force brutale evenait le seul levier du gouvernement, et la populace la plus étrangère à toute culture intellectuelle, la souveraine véritable au moyen des clubs et des comités révolutionnaires. On ne croit qu’à la matière en philosophie, et la matière est souveraine en politique ; elle a le trône et même l’autel ; on obéit à la force brutale, au moment même où l’on adore la beauté souillée : le nombre est roi, la forme est Dieu. Pendant les convulsions révolutionnaires, les études philosophiques, comme les autres études, s’étaient arrêtées. Les théories jetées dans la circulation des idées pendant la phase précédente produisaient leurs résultats ; mais à la pensée avait succédé l’action qui absorbait toutes les forces vives de la France. Elle était à la tribune, dans les clubs, sur les champs de bataille, dans les prisons, sur les échafauds. La politique avait détruit la philosophie et, en général, tous les travaux

  1. M. Damiron.