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capable, comme ses écrits posthumes l’ont prouvé, de publier de beaux ouvrages, si ses fonctions publiques s’étaient conciliées avec le rôle d’auteur, s’est plaint de la stérilité des Muses de l’empire[1]. Il est cependant curieux de suivre dans les vers alors secrets, aujourd’hui publics, du grand maître de l’université impériale, le mouvement général des esprits reflété dans les œuvres de cet esprit délicat, et la transition de la littérature du dix-huitième siècle à la littérature du dix-neuvième. Pour Fontanes, la muse fut véritablement une confidente. Il venait à la manière d’Horace, dont son talent plein d’urbanité rappelle quelquefois la grâce, lui conter à la dérobée ses émotions, ses ennuis, son chagrin de vieillir, et la prier de l’aider à traduire en strophes cadencées l’incident qui l’avait frappé dans la journée, la pensée philosophique qui avait saisi son esprit. D’autres fois, l’élégant admirateur de l’antiquité classique consacrait ses loisirs à chanter, dans un grand poême, la Grèce, cette patrie de tous les esprits cultivés, et il préludait ainsi à un mouvement à la fois littéraire et politique qui devait se dessiner avec éclat

  1. Heureux si les Muses divines,
    Sous lui, reprenaient leur essor !
    Si des Boileaux et des Racines
    À sa cour habitaient encor.
    Hélas ! on a perdu leur trace ;
    Des Pradons qui tiennent leur place
    L’orgueil stupide s’est accru.
    Homère chantait les Achilles,
    Et nous n’avons que des Chérilles
    Quand Alexandre a reparu.