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C’est ainsi qu’il répondit à un ami tout-puissant alors, qui le pressait de se rallier à l’empire, héritier à la fois du royalisme comme de la liberté, et lui demandait de ne pas être plus difficile que ne l’avaient été M. de Chateaubriand, au commencement du siècle, et M. de Bonald un peu plus tard : « Je voudrais bien ne pas l’être, mais cela m’est impossible. J’ai trop d’honneur pour être acheté, et je n’ai pas assez d’imagination ou de métaphysique en tête, pour être innocemment séduit à force de gloire et de batailles gagnées[1]. » M. Villemain, à qui nous empruntons cette anecdote, résume ainsi la part de M. de Féletz dans la collaboration du journal : « Pendant douze ans, il écrivit avec succès sous l’empire, sans jamais abandonner une conviction ni une amitié, et sans louer jamais l’empereur. »

C’est ainsi que le Journal des Débats, faisant passer, à l’aide des complaisances de Geoffroy, les rigueurs de M. de Féletz, put, pendant un certain temps, continuer le mouvement littéraire et philosophique que Chateaubriand, Bonald et de Maistre avaient commencé au début du siècle ; louer la gloire disgraciée de Delille, le génie rebelle de Chateaubriand ; envelopper la question politique dans la question littéraire, le culte de Louis XIV dans celui de Racine ; rendre justice au gouvernement du passé, sous prétexte d’his-

  1. De M. de Féletz et de quelques salons de son temps, par M. Villemain ; Revue contemporaine, tome II, page 182.