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culier et le philosophisme en général, cette guerre implacable qui ne déplaisait pas à l’empereur, mais qui, par sa forme, déplaisait à Fontanes, ce délicat appréciateur des convenances, dont les mœurs élégantes et polies ne pouvaient se faire aux brutalités de style de Geoffroy, donnant sans cesse des férules à Voltaire. Le feuilletoniste, qui avait bien souvent raison dans le fond, mais qui se donnait presque aussi souvent tort par la forme, car le respect d’autrui fait partie du respect de soi-même, n’avait garde d’omettre, à l’intention du vainqueur d’Iéna, quand il parlait de Voltaire, le billet dans lequel ce philosophe courtisan disait au roi de Prusse : « Toutes les fois que j’écris a Votre Majesté, je tremble comme nos régiments à Rosbach. » Le lendemain il citait cette autre phrase : « Il me fallait le roi de Prusse pour maître et le peuple anglais pour concitoyen. » Puis venaient ces paroles étranges, à l’occasion d’un procès intenté en France à un officier du grand Frédéric, paroles dans lesquelles le philosophe cosmopolite traitait bien durement les Welches, c’est-à-dire les Français, qui avaient la faiblesse de lui décerner des ovations : « L’uniforme prussien ne doit servir qu’à faire mettre à genoux les Welches. » Enfin, pour tout couronner, Geoffroy, homme de beaucoup de lecture et de mémoire, apportait les témoignages des historiens contemporains de l’événement, afin de prouver que l’infériorité de nos armes, pendant la guerre de Sept ans, provint surtout du découragement répandu dans l’armée par l’espèce de fanatisme