Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poque qui paraît plus terne encore et plus dépourvue d’initiative qu’elle ne le fut réellement. Le courage des écrivains, dans ce temps, consistait plus dans ce qu’ils ne disaient pas que dans ce qu’ils disaient.

Il faut ajouter que plusieurs écrivains occupant un rang élevé dans les deux camps littéraires, où se retrouvaient au fond le philosophisme et la religion, la révolution et les doctrines sociales, avaient fait la réflexion que, depuis que Bonaparte était tout, c’était tout que d’avoir Bonaparte. Il y avait donc, autour de l’empereur, une lutte dont il était à la fois l’objet et l’arbitre. C’était son influence qu’on cherchait à conquérir, et c’était son autorité qui contenait dans de certaines limites ce combat dont il profitait, en excitant dans les deux camps une émulation de dévouement envers sa personne, dévouement sans lequel il n’était point possible de prétendre à la faveur. Ces divisions devaient lui être utiles tant qu’il réussirait à les empêcher d’aller trop loin, et qu’il laisserait à chacune des deux écoles la pensée qu’il était son rempart contre l’hostilité de l’autre. Au fond, les idées se disputaient l’opinion de Napoléon, comme elles se disputaient autrefois l’opinion publique.