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III

LES CONTEURS




UNE LÉGENDE DANS UN CAFÉ


On ne donnerait qu’une faible idée des plaisirs de Constantinople pendant le Ramazan et des principaux charmes de ses nuits, si l’on passait sous silence les contes merveilleux récités ou déclamés par des conteurs de profession attachés aux principaux cafés de Stamboul. Traduire une de ces légendes, c’est en même temps compléter les idées que l’on doit se faire d’une littérature à la fois savante et populaire qui encadre spirituellement les traditions et les légendes religieuses considérées au point de vue de l’islamisme.

Je passais, aux yeux des Persans qui m’avaient pris sous leur protection, pour un taleb (savant) ; de sorte qu’ils me conduisirent à des cafés situés derrière la mosquée de Bayezîd, et où se réunissaient autrefois les fumeurs d’opium. Aujourd’hui, cette consommation est défendue ; mais les négociants étrangers à la Turquie fréquentent par habitude ce point éloigné du tumulte des quartiers du centre.

On s’assied, on se fait apporter un narghilé ou une chibouk, et l’on écoute des récits qui, comme nos feuilletons actuels, se prolongent le plus possible. C’est l’intérêt du cafetier et du narrateur.

Quoique ayant commencé fort jeune l’étude des langues de l’Orient, je n’en sais que les mots les plus indispensables ; cependant, l’animation du récit m’intéressait toujours, et, avec