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LORELY.

qui lui appartient, et que précède une place verte située aux portes de la ville.

Il y avait là tout l’aspect d’une kermesse flamande ; un grand nombre de guinguettes couvertes en treillage entouraient le champ ; des alcides, des écuyers, des théâtres de marionnettes, et jusqu’à un éléphant savant, se partageaient l’admiration de la foule, dont la majeure partie se livrait à une forte consommation de bière, de saucisses et de pâtisseries. Rien n’est charmant comme ces jeunes filles allemandes en jupe courte, avec leurs cheveux partagés sur le front en ailes de corbeau, leurs longues tresses et leurs solides bras nus.

Dans les cabarets comme à l’église, les deux sexes sont séparés. La danse seule les réunit parfois. Le bal des chasseurs nous montrait des couples d’une société plus élevée ; mais, dans la vaste salle à colonnes où se donnait le bal, on ne voyait également que des coiffures en cheveux et que des jeunes filles. Pendant la danse, les femmes mariées et les mères soupaient dans d’autres salons, avec cet appétit infatigable qui n’appartient qu’aux dames allemandes.

Il ne me restait plus à voir que le palais grand-ducal, dont l’architecture imposante a été complétée par une aile qu’a fait bâtir à ses frais la grande-duchesse Amélie, sœur de l’empereur de Russie. Cette noble compagne de Charles-Auguste, l’ami de Gœthe et de Schiller, fut aussi la protectrice constante des grands hommes qui ont habité Weimar, et tout respire, dans la partie du palais qui lui appartient, le culte qu’elle a voué à leur mémoire. Là, point de batailles, point de cérémonies royales peintes ou sculptées ; on y chercherait même en vain les images des empereurs qui ont donné naissance à la famille royale de Saxe-Weimar. Les quatre salles principales sont consacrées, l’une à Wieland, la seconde à Herder, les deux dernières à Gœthe et à Schiller. Celle de Wieland est la plus remarquable par l’exécution des peintures. Sur un fond de rouge antique se détachent des médaillons peints à fresque, qui représentent les principales scènes d’Obéron, le chef-d’œuvre