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lorely.

thèque bleue a réuni ses exploits principaux. Le plus curieux de tous est celui qui consiste à avoir avalé sur une route une voiture de foin qui gênait son passage, — avec les chevaux et le cocher.

Il y a aussi la scène de fantasmagorie à la cour de l’empereur d’Allemagne, dans laquelle ce dernier prie l’enchanteur de le faire souper avec Alexandre, César et Cléopâtre ; ce qui, dit-on, eut lieu en effet.

Gœthe s’est servi, dans le second Faust, de cette anecdote, en la modifiant et en faisant apparaître Hélène ; ce qui appartient encore à la tradition primitive. On se demande pourquoi celle-ci suppose unanimement que Faust avait commandé au diable de ressusciter pour lui la belle Hélène de Sparte dont il eut un fils, et avec laquelle il vécut vingt-quatre ans, aux termes de son pacte ? Peut-être est-ce le souvenir de l’anecdote relative au manuscrit de l’Iliade qui conduisit à cette idée. L’admirateur d’Homère devait être en esprit l’amant d’Hélène.

Dans le Faust primitif qui se joue en Allemagne, sur les théâtres de marionnettes, on voit paraître ce personnage d’Hélène. Là, le diable s’appelle Gaspard, et un duc de Parme y joue le rôle de l’empereur, qu’on n’aurait pas sans doute laissé représenter sous forme de pantin.

On peut citer encore le roman de Klinger, sur Faust, écrit très-spirituellement à la manière de Diderot, et dans lequel on voit Faust porter son invention dans toutes les cours de l’Europe, sans réussir à autre chose que se faire rouer, pendre ou brûler, ce dont le diable le sauve toujours au dernier moment, en vertu de leur pacte. Dans chacun des pays où il se réfugie tour à tour, il ne voit que meurtres, débauches et iniquités ; en France, Louis xi ; en Angleterre, Glocester ; en Espagne, l’inquisition ; en Italie, Borgia… Si bien que le diable lui dit :

— Quoi ! tu te donnes tant de peine pour ce misérable genre humain ?