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ii

THÉÂTRES ET FÊTES



I — ILDIZ-KHAN


Après m’être reposé, je m’informai du moyen d’assister aux fêtes nocturnes qui se donnaient dans la ville turque. Mon ami le peintre, que je revis dans la journée, familier avec les mœurs du pays, ne vit pour moi d’autre moyen que de me faire habiter Stamboul ; ce qui présentait de grandes difficultés.

Nous prîmes un caïque pour traverser la Corne d’or, et nous descendîmes à cette même échelle du marché aux poissons où nous avions été, la veille, témoins d’une scène sanglante. Les boutiques étaient fermées partout. Le bazar égyptien, qui vient ensuite, et où se vendent les épiceries, les couleurs, les produits chimiques, était hermétiquement fermé. Au delà, les rues n’étaient habitées et parcourues que par les chiens, étonnés toujours, pendant les premiers jours du Ramazan, de ne plus recevoir leur pitance aux heures accoutumées. Nous finîmes par arriver à une boutique voisine du bazar, occupée par un marchand arménien que connaissait mon ami. Tout était fermé chez lui ; mais, n’étant pas soumis à la loi musulmane, il se permettait de veiller le jour et de dormir la nuit comme à l’ordinaire, sans en rien faire voir extérieurement.

Nous pûmes dîner chez lui, car il avait eu la précaution d’acheter des vivres la veille ; autrement, il eût fallu revenir à Péra pour en trouver. La pensée que j’avais d’habiter Stamboul lui parut absurde au premier abord, attendu qu’aucun chrétien