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lorely.

Mon voyage à pied à travers cette contrée ne tiendra donc pas ce qu’il semble promettre ; et, d’ailleurs, la route est peuplée de piétons comme moi, et, si ce n’était la grande traite que j’ai à faire, justement à la tombée du jour, avec le risque de ne plus reconnaître les routes, je n’aurais nulle inquiétude sur ma position. Mais il est dur de songer, en regardant les poteaux dressés de lieue en lieue, et qui indiquent en même temps les heures de marche, que je ne puis arriver à Bade avant trois heures du matin. De plus, une fois la nuit tombée, je ne verrai plus les poteaux.

Depuis Bichoffsheim, j’étais accompagné obstinément d’un grand particulier chargé d’un havresac, et qui semblait tenir beaucoup à régler son pas sur le mien. Malgré le vide de mes poches, mon extérieur était assez soigné pour annoncer… que je ne voyageais à pied que parce que ma voiture était brisée, ou que, habitant quelque château, je me promenais dans les environs, cherchant des végétaux ou des minéraux, égaré peut-être. Mon compagnon de route, qui était Français, commença par m’ouvrir ces diverses suppositions.

— Monsieur, lui dis-je pour lui ôter tout espoir de bourse ou de portefeuille, je suis un artiste, voyageant pour mon instruction, et je vous avouerai que je n’ai plus qu’une vingtaine de kreutzers pour aller à Bade ce soir. Si je trouvais un cabaret où je pusse souper pour ce prix, cela me donnerait des jambes pour arriver.

— Comment, monsieur, ce soir à Bade ? Mais ce sera demain matin ; vous ne pouvez pas marcher toute la nuit.

— J’aimerais mieux dormir en effet dans un bon lit ; mais j’ai toujours vu que, dans les auberges les plus misérables, on payait le coucher au moins le double de ce que je possède. Alors, il faut bien que je marche jusqu’à ce que j’arrive.

— Moi, me dit-il, je couche à Schœndorf, dans deux heures d’ici. Pourquoi n’y couchez vous pas ? Vous ferez demain le reste de la route.

— Mais je vous dis que je n’ai que vingt kreutzers !