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lorely.

qu’à Francfort ou à Vienne, et de plus mauvais français, quand on le parle. Il est difficile de se faire comprendre des gens du peuple, et nous en sommes à nous demander ce qu’apprennent les enfants aux écoles mutuelles qu’on dit si fréquentées dans ce département. Peut-être savent-ils le latin. Cependant, il y a peu d’Allemands réels à Strasbourg, et cette ville a donné des preuves de patriotisme incontestables. Pourquoi ne se fait-elle pas un point d’honneur de parler sa langue maternelle ? Le type allemand se retrouve, sans être absolu pourtant, dans les traits gracieux des dames de la société : leur tournure n’a rien de provincial, et elles se mettent fort bien. Nous ne pouvons faire le même éloge des hommes, qui manquent en général d’élégance dans les manières et de distinction dans les traits. La garnison a beau jeu près des dames, si les dames ne sont pas, comme leur ville, imprenables. On ne rencontre plus à Strasbourg ces vêtements pittoresques des paysans de l’Alsace, qui nous étonnent encore le long de la route, mais au grand nombre de femmes du peuple portent, le dimanche, des ajustements très-brillants et très-variés : les uns se rapprochent du costume suisse, les autres même du costume napolitain. Des broderies d’or et d’argent éclatent surtout sur la tête et sur la poitrine. L’harmonie et la vivacité des couleurs, la bizarrerie de la coupe, rendraient ces costumes dignes de figurer dans les opéras. Recommandons-les au directeur de l’Académie royale de musique.

C’est dans les brasseries, le dimanche, qu’il faut observer la partie la plus grouillante de la population. Là, point de sergents de ville, point de gendarmes. Le cancan règne en maître au militaire et au civil ; les tourlourous s’y rendent fort agréables ; les canonniers sont d’une force supérieure, et les femmes en remontreraient aux Espagnols et aux bayadères pour la grâce et la liberté des mouvements. Il existe pourtant des brasseries qui se rapprochent davantage de nos cafés ; mais la musique y élit domicile, soit que l’on danse ou non. Strasbourg est parcouru à toute heure par des bandes de violons, qui viennent