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DE PARIS À CYTHÈRE.

dans votre lit, et j’attendrai le retour de mon domestique, que j’envoie à la ville d’A*** pour chercher de l’argent.

La Savoyarde n’avait pas trop de confiance ; en outre, elle et sa nièce couchaient dans ce lit, et n’en avaient pas d’autre ; cependant, la diplomatie de notre envoyé finit par triompher de ce dernier obstacle. Le domestique partit, et le maître reprit comme il put son sommeil d’une heure auparavant, si fâcheusement troublé.

Au point du jour, il s’éveilla au bruit qui se faisait à la porte. C’était son valet suivi de sept lanciers. Le général n’avait pas cru devoir faire moins pour son jeune ami… Par exemple, il n’envoyait aucun argent.

L’attaché sauta à bas de son lit.

— Que diable le général veut-il que je fasse de sept lanciers ? Il ne s’agit pas de conquérir la Savoie !

— Mais, monsieur, dit le domestique, c’est pour retirer la voiture.

— Et où est-elle, la voiture ?

On se répandit dans le pays. Le torrent coulait toujours avec majesté, mais la voiture n’avait laissé nulle trace. Les Savoyardes commencèrent à s’inquiéter. Heureusement, notre jeune diplomate ne manquait pas d’expédients. Ses dépêches à la main, il convainquit les lanciers de l’importance qu’il y avait à ce qu’il ne perdit pas une heure, et l’un de ces militaires consentit à lui prêter son uniforme et à rester à sa place dans le lit, ou bien devant le feu, roulé dans la couverture, à son choix.

Voilà donc l’attaché qui repart enfin pour A***, laissant un lancier en gage chez les Savoyardes (on peut espérer qu’il n’en est rien résulté qui put troubler l’harmonie entre les deux gouvernements). Arrivé dans la ville, il s’en va trouver le commandant, qui avait peine à le reconnaître sous son uniforme.

— Mais, général, je vous avais prié de m’envoyer des habits et de l’argent…