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VOYAGE EN ORIENT.

tout cela forme le revers de cette médaille byzantine, qu’on peut se plaire encore à nettoyer, après les savantes et gracieuses descriptions de lady Montagne.

Rien, dans tous les cas, ne peut peindre les efforts que font les Turcs pour mettre aujourd’hui leur capitale au niveau de tous les progrès européens. Aucun procédé d’art, aucun perfectionnement matériel ne leur est inconnu. Il faut déplorer seulement l’esprit de routine particulier à certaines classes, et appuyé sur le respect des vieilles coutumes. Les Turcs sont sur ce point formalistes comme des Anglais.

Satisfait d’avoir vu, dans Stamboul même, les trente nuits du Ramazan, je profitai du retour de la lune de Schaban pour donner congé du local que l’on m’avait loué à Ildiz-Khan. L’un des Persans qui m’avait pris en amitié, et qui m’appelait toujours le myrza (lettré), voulut me faire un cadeau au moment de mon départ. Il me fit descendre dans un caveau plein, à ce qu’il disait, de pierreries. Je crus que c’était le trésor d’Aboulcasem ; mais la cave ne renfermait que des pierres et des cailloux fort ordinaires.

— Venez, me dit-il, il y a là des escarboucles, là des améthystes, là des grenats, là des turquoises, là encore des opales : choisissez quelqu’une de ces pierres que je puisse vous offrir.

Cet homme me semblait un fou : à tout hasard, je choisis les opales. Il prit une hache, et fendit en deux une pierre blanche grosse comme un pavé. L’éclat des opales renfermées dans ce calcaire m’éblouit aussitôt.

— Prenez, me dit-il en m’offrant un des fragments du pavé. En arrivant à Malte, je voulus faire apprécier quelques-unes des opales renfermées dans le bloc de chaux, la plupart, les plus brillantes et les plus grosses en apparence, étaient friables. On put en tailler cinq ou six, qui m’ont laissé un bon souvenir de mes amis d’Ildiz-Khan.