— Si ?… Achevez, Balkis : l’accent de votre voix me pénètre et m’embrase.
— Non, non… Qu’allais-je dire, et quel éblouissement soudain ?… Ces vins si doux ont leur perfidie, et je me sens tout agitée.
Soliman fit un signe : les muets et les Nubiens remplirent les coupes, et le roi vida la sienne d’un seul trait, en observant avec satisfaction que Balkis en faisait autant.
— Il faut avouer, poursuivit la princesse avec enjouement, que le mariage, suivant le rite juif, n’a pas été établi à l’usage des reines, et qu’il présente des conditions fâcheuses.
— Est-ce là ce qui vous rend incertaine ? demanda Soliman en dardant sur elle des yeux accablés d’une certaine langueur.
— N’en doutez pas. Sans parler du désagrément de s’y préparer par des jeûnes qui enlaidissent, n’est-il pas douloureux de livrer sa chevelure au ciseau et d’être enveloppée de coiffes le reste de ses jours ? À la vérité, ajouta-t-elle en déroulant de magnifiques tresses d’ébène, nous n’avons pas de riches atours à perdre.
— Nos femmes, objecta Soliman, ont la liberté de remplacer leurs cheveux par des touffes de plumes de coq agréablement frisées[1].
La reine sourit avec quelque dédain.
— Puis, dit-elle, chez vous, l’homme achète la femme comme une esclave ou une servante ; il faut même qu’elle vienne humblement s’offrir à la porte du fiancé. Enfin, la religion n’est pour rien dans ce contrat tout semblable à un marché, et l’homme, en recevant sa compagne, étend la main sur elle en lui disant Mekudescheth-li ; en bon hébreu : « Tu m’es consacrée. » De plus, vous avez la faculté de la répudier, de la trahir, et même de la faire lapider sur le plus léger prétexte…
- ↑ En Orient, encore aujourd’hui, les juives mariées sont obligées de substituer des plumes à leurs cheveux, qui doivent rester coupés à la hauteur des oreilles et enrobés sous leur coiffure.