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LES NUITS DU RAMAZAN.

me l’a dit, a été tirée de l’élément du feu. Ce n’est point un animal terrestre, et il relève des djinns (génies).

— Il est vrai, repartit Balkis, que Soliman tente en vain de l’apprivoiser et lui présente inutilement ou l’épaule ou le poing.

— Je crains qu’elle ne s’y repose jamais. Au temps où les animaux étaient soumis, — et, de ceux-là, la race est éteinte, — ils n’obéissaient point aux hommes créés du limon, ils ne relevaient que des dives, ou des djinns, enfants de l’air ou du feu… Soliman est de la race formée d’argile par Adonaï.

— Et pourtant la huppe m’obéit…

Sarahil sourit en hochant la tête : princesse du sang des Hémiarites, et parente du dernier roi, la nourrice de la reine avait approfondi les sciences naturelles : sa prudence égalait sa discrétion et sa bonté.

— Reine, ajouta-t-elle, il est des secrets supérieurs à votre âge, et que les filles de notre maison doivent ignorer avant leur mariage. Si la passion les égare et les fait déchoir, ces mystères leur restent fermés, afin que le vulgaire des hommes en soit éternellement exclu. Qu’il vous suffise de le savoir : Hud-Hud, cette huppe renommée, ne reconnaîtra pour maître que l’époux réservé à la princesse de Saba.

— Vous me ferez maudire cette tyrannie emplumée.

— Qui, peut-être, vous sauvera d’un despote armé du glaive.

— Soliman a reçu ma parole, et, à moins d’attirer sur nous de justes ressentiments,… Sarahil, le sort en est jeté ; les délais expirent, et, ce soir même…

— La puissance des Éloïms (les dieux) est grande !… murmura la nourrice.

Pour rompre l’entretien, Balkis, se détournant, se mit à cueillir des jacinthes, des mandragores, des cyclamens qui diapraient le vert de la prairie, et la huppe, qui l’avait suivie en voletant, piétinait autour d’elle avec coquetterie, comme si elle eût cherché son pardon.