Page:Nerval - Voyage en Orient, II, Lévy, 1884.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
VOYAGE EN ORIENT.

qu’expire la tyrannie jalouse d’Adonaï, là qu’on peut, sans périr, se nourrir des fruits de l’arbre de la science.

Adoniram exhala un long et doux soupir : il lui semblait qu’un poids accablant, qui toujours l’avait courbé dans la vie, venait de s’évanouir pour la première fois.

Tout à coup la vie éclate ; des populations apparaissent à travers ces hypogées : le travail les anime, les agite ; le joyeux fracas des métaux résonne ; des bruits d’eaux jaillissantes et de vents impétueux s’y mêlent ; la voûte éclaircie s’étend comme un ciel immense d’où se précipitent sur les plus vastes et les plus étranges ateliers des torrents d’une lumière blanche, azurée, et qui s’irise en tombant sur le sol.

Adoniram traverse une foule livrée à des labeurs dont il ne saisit pas le but ; cette clarté, cette coupole céleste dans les entrailles de la terre l’étonne ; il s’arrête.

— C’est le sanctuaire du feu, lui dit Tubal-Kaïn ; de là provient la chaleur de la terre, qui, sans nous, périrait de froid. Nous préparons les métaux, nous les distribuons dans les veines de la planète, après en avoir liquéfié les vapeurs.

» Mis en contact et entrelacés sur nos têtes, les filons de ces divers éléments dégagent des esprits contraires qui s’enflamment et projettent ces vives lumières… éblouissantes pour tes yeux imparfaits. Attirés par ces courants, les sept métaux se vaporisent à l’entour, et forment ces nuages de sinople, d’azur, de pourpre, d’or, de vermeil et d’argent qui se meuvent dans l’espace, et reproduisent les alliages dont se composent la plupart des minéraux et des pierres précieuses. Quand la coupole se refroidit, ces nuées condensées font pleuvoir une grêle de rubis, d’émeraudes, de topazes, d’onyx, de turquoises, de diamants, et les courants de la terre les emportent avec des amas de scories : les granits, les silex, les calcaires qui, soulevant la surface du globe, la rendent bosselée de montagnes. Ces matières se solidifient en approchant du domaine des hommes… et à la fraîcheur du soleil d’Adonaï, fourneau manqué qui n’aurait même pas la force de cuire un œuf. Aussi, que