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LES NUITS DU RAMAZAN.

— Ne le verrai-je point, seigneur ?

— Il fuit le monde et se dérobe aux louanges. Mais que direz-vous, reine, quand vous aurez parcouru le temple d’Adonaï ? Ce n’est plus l’œuvre d’un artisan : c’est moi qui ai dicté les plans et qui ai indiqué les matières que l’on devait employer. Les vues d’Adoniram étaient bornées au prix de mes poétiques imaginations. On y travaille depuis cinq ans ; il en faut deux encore pour amener l’ouvrage à la perfection.

— Sept années vous auront donc suffi pour héberger dignement votre Dieu ; il en a fallu treize pour établir convenablement son serviteur.

— Le temps ne fait rien à l’affaire, objecta Soliman.

Autant Balkis avait admiré le palais, autant elle critiqua le temple.

— Vous avez voulu trop bien faire, dit-elle, et l’artiste a eu moins de liberté. L’ensemble est un peu lourd, quoique fort chargé de détails… Trop de bois, du cèdre partout, des poutres saillantes… Vos bas côtés planchéiés semblent porter les assises supérieures des pierres, ce qui manque à l’œil de solidité.

— Mon but, objecta le prince, a été de préparer, par un piquant contraste, aux splendeurs du dedans.

— Grand Dieu ! s’écria la reine arrivée dans l’enceinte, que de sculptures ! Voilà des statues merveilleuses, des animaux étranges et d’un imposant aspect. Qui a fondu, qui a ciselé ces merveilles ?

— Adoniram : la statuaire est son principal talent.

— Son génie est universel. Seulement, voici des chérubins trop lourds, trop dorés et trop grands pour cette salle qu’ils écrasent.

— J’ai voulu qu’il en fût ainsi : chacun d’eux coûte six vingt talents. Vous le voyez, ô reine ! tout ici est d’or, et l’or est ce qu’il y a de plus précieux. Les chérubins sont en or ; les colonnes de cèdre, dons du roi Hiram, mon ami, sont revê-