Page:Nerval - Voyage en Orient, I, Lévy, 1884.djvu/431

Cette page a été validée par deux contributeurs.
419
DRUSES ET MARONITES.

dernière avait pour sa fille, le hasard qui me l’avait fait rencontrer ; je glissai sur la question du voile qui pouvait s’être dérangé par hasard… Je pense, dans tous les cas, qu’il ne put douter de ma sincérité.

— Chez tous les peuples du monde, ajoutai-je, on demande une fille en mariage à son père, et je ne vois pas la raison de votre surprise. Vous pouvez penser, par les relations que j’ai dans ce pays, que ma position n’est pas inférieure à la vôtre. Pour ce qui est de la religion, je n’accepterais pas d’en changer pour le plus beau mariage de la terre ; mais je connais la vôtre, je sais qu’elle est très-tolérante et qu’elle admet toutes les formes possibles de cultes et toutes les révélations connues comme des manifestations diverses, mais également saintes de la Divinité. Je partage pleinement ces idées, et, sans cesser d’être chrétien, je croîs pouvoir…

— Eh ! malheureux ! s’écria le cheik, c’est impossible : la plume est brisée, l’encre est sèche, le livre est fermé !

— Que voulez-vous dire ?

— Ce sont les paroles mêmes de notre loi. Personne ne peut plus entrer dans notre communion.

— Je pensais que l’initiation était ouverte à tous.

— Aux djahels (ignorants) qui sont de notre peuple, et qui s’élèvent par l’étude et par la vertu, mais non pas aux étrangers, car notre peuple est seul élu de Dieu.

— Cependant vous ne condamnez pas les autres.

— Pas plus que l’oiseau me condamne l’animal qui se traîne à terre. La parole vous a été prêchée et vous ne l’avez pas écoutée.

— En quel temps ?

— Du temps de Hamza, le prophète de notre seigneur Hakem.

— Mais avons-nous pu l’entendre ?

— Sans doute, car il a envoyé des missionnaires (days) dans toutes les îles (régions).

— Et quelle est notre faute ? Nous n’étions pas nés !