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DRUSES ET MARONITES.

étaient découverts, on les poignarderait tous les deux. N’importe, quand un Marseillais a mis une chose dans sa tête, il faut qu’elle aboutisse. Ils prennent rendez-vous le jour de la fête ; l’akkal avait expliqué d’avance à mon ami toutes les momeries qu’il fallait faire, et, avec le costume, sachant bien la langue, il ne risquait pas grand’chose. Les voilà qui arrivent devant un de ces khaloués ; c’est comme un tombeau de santon, une chapelle carrée avec un petit dôme, entourée d’arbres et adossée aux rochers. Vous en avez pu voir dans la montagne.

— J’en ai vu.

— Mais il y a toujours aux environs des gens armés pour empêcher les curieux d’approcher aux heures des prières.

— Et ensuite ?

— Ensuite, ils ont attendu le lever d’une étoile qu’ils appellent Sorkra ; c’est l’étoile de Vénus. Ils lui font une prière.

— C’est encore un reste, sans doute, de l’adoration d’Astarté.

— Attendez. Ils se sont mis ensuite à compter les étoiles filantes. Quand cela est arrivé à un certain nombre, ils en ont tiré des augures, et puis, les trouvant favorables, ils sont entrés tous dans le temple et ont commencé la cérémonie. Pendant les prières, les femmes entraient une à une, et, au moment du sacrifice, les lumières se sont éteintes.

— Et qu’est devenu le Marseillais ?

— On lui avait dit ce qu’il fallait faire, parce qu’il n’y a pas là à choisir ; c’est comme un mariage qui se ferait les yeux fermés…

— Eh bien, c’est leur manière de se marier, voilà tout ; et, du moment qu’il y a consécration, l’énormité du fait me semble beaucoup diminuée ; c’est même une coutume très-favorable aux femmes laides.

— Vous ne comprenez pas ! Ils sont mariés en outre, et chacun est tenu d’emmener sa femme. Le grand cheik lui-même, qu’ils appellent le mekkadam ne peut se refuser à cette pratique égalitaire.