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VOYAGE EN ORIENT.

prêtresses akkals ; c’est le même mot varié par la prononciation locale. Eh bien, ces prêtresses, savez-vous à quoi elles s’emploient ? On les fait monter sur la sainte table pour représenter la Kadra (la Vierge). Bien entendu qu’elles sont là dans la tenue la plus simple, sans robe ni rien sur elles, et le prêtre fait la prière en disant qu’il faut adorer l’image de la maternité. C’est comme une messe ; seulement, il y a sur l’autel un grand vase de vin dont il boit, et qu’il fait passer ensuite à tous les assistants.

— Croyez-vous, dis-je, à ces bourdes inventées par les gens des autres cultes ?

— Si j’y crois ? J’y crois si bien, que j’ai vu, moi, dans le district de Kadmous, le jour de la fête de la Nativité, tous les hommes qui rencontraient des femmes sur les chemins se prosterner devant elles et embrasser leurs genoux.

— Eh bien, ce sont des restes de l’ancienne idolâtrie d’Astarté, qui se sont mélangés avec les idées chrétiennes.

— Et que dites-vous de leur manière de célébrer l’Épiphanie ?

— La fête des Rois ?

— Oui… Mais, pour eux, cette fête est aussi le commencement de l’année. Ce jour-là, les akkals (initiés), hommes et femmes, se réunissent dans leurs khaloués, ce qu’ils appellent leurs temples : il y a un moment de l’office où l’on éteint toutes les lumières, et je vous laisse à penser ce qu’il peut arriver de beau.

— Je ne crois à rien de tout cela ; on en a dit autant d’ailleurs des agapes des premiers chrétiens. Et quel est l’Européen qui a pu voir de pareilles cérémonies, puisque les initiés seuls peuvent entrer dans ces temples ?

— Qui ? Eh ! tenez, simplement mon compatriote de Tripoli, le filateur de soie, qui faisait des affaires avec un de ces akkals. Celui-ci lui devait de l’argent, mon ami lui dit : « Je te tiens quitte, si tu veux t’arranger pour me conduire à une de vos assemblées. » L’autre fit bien des difficultés, disant que, s’ils