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IV

LES AKKALS — L’ANTILIBAN



I — LE PAQUEBOT


Il faut s’attendre, sur les navires arabes et grecs, à ces traversées capricieuses qui renouvellent les destins errante d’Ulysse et de Télémaque ; le moindre coup de vent les emporte à tous les coins de la Méditerranée ; ainsi l’Européen qui veut aller d’un point à l’autre des côtes de Syrie est-il forcé d’attendre le passage du paquebot anglais qui fait seul le service des échelles de la Palestine. Tous les mois, un simple brick, qui n’est pas même un vapeur, remonte et descend ces échelons de cités illustres qui s’appelaient Béryte, Sidon, Tyr, Ptolémaïs et Césarée, et qui n’ont conservé ni leurs noms ni même leurs ruines. À ces reines des mers et du commerce dont elle est l’unique héritière, l’Angleterre ne fait pas seulement l’honneur d’un steamboat. Cependant les divisions sociales si chères à cette nation libre sont strictement observées sur le pont, comme s’il s’agissait d’un vaisseau de premier ordre. Les first places sont interdites aux passagers inférieurs, c’est-à-dire à ceux dont la bourse est la moins garnie, et cette disposition étonne parfois les Orientaux quand ils voient des marchands aux places d’honneur, tandis que des cheiks, des chérifs ou même des émirs se trouvent confondus avec les soldats et les valets. En général, la chaleur est trop grande pour que l’on couche dans les cabines, et chaque voyageur, apportant son lit sur son dos comme le paralytique de l’Évangile, choisit une