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DRUSES ET MARONITES.

mille habitante du Caire. Il y eut un nommé Almoschadjar qui dit aux sectateurs de Hakem :

— Celui que vous invoquez à la place de Dieu ne pourrait créer une mouche, ni empêcher une mouche de l’inquiéter.

Le calife, instruit de ces paroles, lui fit donner cent pièces d’or, pour preuve qu’il ne voulait pas forcer les consciences. D’autres disaient :

— Ils ont été plusieurs dans la famille des Fatimites atteints de cette illusion. C’est ainsi que le grand-père de Hakem, Moezzeldin, se cachait pendant plusieurs jours et disait avoir été enlevé au ciel ; plus tard, il s’est retiré dans un souterrain, et on a dit qu’il avait disparu de la terre sans mourir comme les autres hommes.

Hakem recueillait ces paroles, qui le jetaient dans de longues méditations.


VI — LES DEUX CALIFES


Le calife était rentré dans son palais des bords du Nil et avait repris sa vie habituelle, reconnu désormais de tous et débarrassé d’ennemis. Depuis quelque temps déjà, les choses avaient repris leur cours accoutumé. Un jour, il entra chez sa sœur Sétalmule et lui dit de préparer tout pour leur mariage, qu’il désirait faire secrètement, de peur de soulever l’indignation publique, le peuple n’étant pas encore assez convaincu de la divinité de Hakem pour ne pas se choquer d’une telle violation des lois établies. Les cérémonies devaient avoir pour témoins seulement les eunuques et les esclaves, et s’accomplir dans la mosquée du palais ; quant aux fêtes, suite obligatoire de cette union, les habitants du Caire, accoutumés à voir les ombrages du sérail s’étoiler de lanternes et à entendre des bruits de musique emportés par la brise nocturne de l’autre côté du fleuve, ne les remarqueraient pas ou ne s’en étonneraient en aucune façon. Plus tard, Hakem, lorsque les temps seraient venus et les esprits favorablement disposés, se réservait de proclamer hautement ce mariage mystique et religieux.