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VOYAGE EN ORIENT.

quelques Maronites qui s’en approchaient avec des branches de sapin allumées, il leur ordonna de revenir. Les Maronites l’entourèrent en criant :

— Les Druses ont fait cela chez les chrétiens ; aujourd’hui, nous sommes forts, il faut leur rendre la pareille !

Le prince hésitait à ces mots, parce que la loi du talion est sacrée parmi les montagnards. Pour un meurtre, il en faut un autre, et de même pour les dégâts et les incendies. Je tentai de lui faire remarquer qu’il avait déjà coupé beaucoup d’arbres, et que cela pouvait passer pour une compensation. Il trouva une raison plus concluante à donner.

— Ne voyez-vous pas, leur dit-il, que l’incendie serait aperçu de Beyrouth ? Les Albanais seraient envoyés de nouveau ici !

Cette considération finit par calmer les esprits. Cependant on n’avait trouvé dans les maisons qu’un vieillard coiffé d’un turban blanc, qu’on amena, et dans lequel je reconnus aussitôt le bonhomme qui, lors de mon passage à Bethmérie, m’avait offert de me reposer chez lui. On le conduisit chez le cheik chrétien, qui paraissait un peu embarrassé de tout ce tumulte, et qui cherchait, ainsi que le prince, à réprimer l’agitation. Le vieillard druse gardait au maintien fort tranquille, et dit en regardant le prince :

— La paix soit avec toi, Miran ; que viens-tu faire dans notre pays ?

— Où sont tes frères ? dit le prince. Ils ont fui sans doute en nous apercevant de loin.

— Tu sais que ce n’est pas leur habitude, dit le vieillard ; mais ils se trouvaient quelques-uns seulement contre tout ton peuple ; ils ont emmené loin d’ici les femmes et les enfants. Moi, j’ai voulu rester.

— On nous a dit pourtant que vous aviez appelé les Druses de l’autre montagne et qu’ils étaient en grand nombre.

— On vous a trompés. Vous avez écouté de mauvaises gens, des étrangers qui eussent été contents de nous faire égor-