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LES FEMMES DU CAIRE.

rares, parce que chacun sait bien qu’à la moindre insulte il peut y avoir du sang de versé.

Jamais je n’ai vu d’aussi beaux enfants que ceux qui couraient et jouaient dans la plus belle allée du bazar. Des jeunes filles sveltes et rieuses se pressaient autour des élégantes fontaines de marbre ornées à la moresque, et s’en éloignaient tour à tour en portant sur leur tête de grands vases de forme antique. On distingue dans ce pays beaucoup de chevelures rousses, dont la teinte, plus foncée que chez nous, a quelque chose de la pourpre ou du cramoisi. Cette couleur est tellement une beauté en Syrie, que beaucoup de femmes teignent leurs cheveux blonds ou noirs avec le henné, qui, partout ailleurs, ne sert qu’à rougir la plante des pieds, les ongles et la paume des mains.

Il y avait encore, aux diverses places où se croisent les allées, des vendeurs de glaces et de sorbets, composant à mesure ces breuvages avec la neige recueillie au sommet du Sannin. Un brillant café, fréquenté principalement par les militaires, fournit aussi, au point central du bazar, des boissons glacées et parfumées. Je m’y arrêtai quelque temps, ne pouvant me lasser du mouvement de cette foule active, qui réunissait sur un seul point tous les costumes, si variés de la montagne. Il y a, du reste, quelque chose de comique à voir s’agiter dans les discussions d’achat et de vente les cornes d’orfèvrerie (tantour), hautes de plus d’un pied, que les femmes druses et maronites portent sur la tête et qui balancent sur leur figure un long voile qu’elles y ramènent à volonté. La position de cet ornement leur donne l’air de ces fabuleuses licornes qui servent de support à l’écusson d’Angleterre. Leur costume extérieur est uniformément blanc ou noir.

La principale mosquée de la ville, qui donne sur l’une des rues du bazar, est une ancienne église des croisades où l’on voit encore le tombeau d’un chevalier breton. En sortant de ce quartier pour se rendre vers le port, on descend une large rue, consacrée au commerce franc. Là, Marseille lutte assez heu-