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LES FEMMES DU CAIRE.

monies de mariage et de circoncision avec le même olouloulou ; dont la tradition se perd dans la plus haute antiquité.

Pendant que le cortège parcourait les rues peu nombreuses du petit village de Choubrah, j’étais resté avec le grand-père du mutahir, ayant eu toutes les peines du monde à empêcher l’esclave de suivre les autres femmes. Il avait fallu employer le mafisch tout-puissant chez les Égyptiens, pour lui interdire ce qu’elle regardait comme un devoir de politesse et de religion. Les nègres préparaient des tables et décoraient la salle de feuillages. Pendant ce temps, je cherchais à tirer du vieillard quelques éclairs de souvenirs en faisant résonner à ses oreilles, avec le peu que je savais d’arabe, les noms glorieux de Kléber et de Menou. Il ne se souvenait que du colonel Barthélémy, l’ancien chef de la police du Caire, qui a laissé de grands souvenirs dans le peuple, à cause de sa grande taille et du magnifique costume qu’il portait. Barthélémy a inspiré des chants d’amour dont les femmes n’ont pas seules gardé la mémoire :

« Mon bien-aimé est coiffé d’un chapeau brodé ; — des nœuds et des rosettes ornent sa ceinture.

» J’ai voulu l’embrasser, il m’a dit : Aspetta (attends) ! Oh ! qu’il est doux, son langage italien ! — Dieu garde celui dont les yeux sont des yeux de gazelle !

» Que tu es donc beau, Fart-el-Roumy (Barthélémy), quand tu proclames la paix publique avec un firman à la main ! »


IV — LE SIRAFEH


À l’entrée du mutahir, tous les enfants vinrent s’asseoir quatre par quatre autour des tables rondes où le maître d’école, le barbier et les santons occupèrent les places d’honneur. Les autres grandes personnes attendirent la fin du repas pour y prendre part à leur tour. Les Nubiens s’assirent devant la porte et reçurent le reste des plats, dont ils distribuèrent encore les derniers reliefs à de pauvres gens attirés par le bruit de la