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VOYAGE EN ORIENT.

Madame Bonhomme appartient à ce type de beauté blonde du Midi que Gozzi célébrait dans les Vénitiennes, que Pétrarque a chanté à l’honneur des femmes de notre Provence. Il semble que ces gracieuses anomalies doivent au voisinage des pays alpins l’or crespelé de leurs cheveux, et que leur œil noir se soit embrasé seul aux ardeurs des grèves de la Méditerranée. La carnation, fine et claire comme le satin rosé des Flamandes, se colore, aux places que le soleil a touchées, d’une vague teinte ambrée qui fait penser aux treilles d’automne, où le raisin blanc se voile à demi sous les pampres vermeils. Ô figures aimées de Titien et de Giorgione, est-ce aux bords du Nil que vous deviez me laisser un regret et un souvenir ? Cependant j’avais près de moi une autre femme aux cheveux noirs comme l’ébène, au masque ferme qui semblait taillé dans le marbre portor, beauté sévère et grave comme les idoles de l’antique Asie, et dont la grâce même, à la fois servile et sauvage, rappelait parfois, si l’on peut unir ces deux mots, la sérieuse gaieté de l’animal captif.

Madame Bonhomme m’avait conduit dans son magasin, encombré d’articles de voyage, et je l’écoutais, en l’admirant, détailler les mérites de tous ces charmants ustensiles qui, pour les Anglais, reproduisent au besoin, dans le désert, tout le confort de la vie fashionable. Elle m’expliquait avec son léger accent provençal comment on pouvait établir, au pied d’un palmier ou d’un obélisque, des appartements complets de maîtres et de domestiques, avec mobilier et cuisine, le tout transporté à dos de chameau ; donner des dîners européens où rien ne manque, ni les ragoûts, ni les primeurs, grâce aux boites de conserves qui, il faut l’avouer, sont souvent de grande ressource.

— Hélas ! lui dis-je, je suis devenu tout à fait un Bédaouï (Arabe nomade) ; je mange très-bien du dourah cuit sur une plaque de tôle, des dattes fricassées dans le beurre, de la pâte d’abricot, des sauterelles fumées… ; et je sais un moyen d’obtenir une poule bouillie dans le désert, sans même se donner le soin de la plumer.