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VOYAGE EN ORIENT.

dant de plus près on pouvait reconnaître en elle les traits admirables d’Isis entrevus à travers un nuage : telle était la créature divine qui devenait la compagne et la récompense de l’initié triomphant.

Ici, je crus devoir interrompre le récit imagé du savant Berlinois :

— Il me semble, lui dis-je, que vous me racontez là l’histoire d’Adam et d’Ève.

— À peu près, répondit-il.

En effet, la dernière épreuve, si charmante, mais si imprévue, de l’initiation égyptienne était la même que Moïse a racontée au chapitre de la Genèse. Dans ce jardin merveilleux existait un certain arbre dont les fruits étaient défendus au néophyte admis dans le paradis. Il est tellement certain que cette dernière victoire sur soi-même était la clause de l’initiation, qu’on a trouvé dans la haute Égypte des bas reliefs de quatre mille ans, représentant un homme et une femme, sous un arbre[1], dont cette dernière offre le fruit à son compagnon de solitude. Autour de l’arbre est enlacé un serpent, représentation de Typhon, le dieu du mal. En effet, il arrivait généralement que l’initié qui avait vaincu tous les périls matériels se laissait prendre à cette séduction, dont le dénoûment était son exclusion du paradis terrestre. Sa punition devait être alors d’errer dans le monde, et de répandre chez les nations étrangères les instructions qu’il avait reçues des prêtres.

S’il résistait, au contraire, ce qui était bien rare, à la dernière tentation, il devenait l’égal d’un roi. On le promenait en triomphe dans les rues de Memphis, et sa personne était sacrée.

C’est pour avoir manqué cette épreuve que Moïse fut privé des honneurs qu’il attendait. Blessé de ce résultat, il se mit en guerre ouverte avec les prêtres égyptiens, lutta contre eux de science et de prodiges, et finit par délivrer son peuple au moyen d’un complot dont on sait le résultat.

  1. Voir l’histoire des Religions de l’abbé Bamer, et les Dieux de Moïse de M. Lacour.