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VOYAGE EN ORIENT.

La branche du Nil entre Roddah et Gizèh a une telle largeur, qu’il faut une demi-heure environ pour la passer.

Quand on a traversé Gizèh, sans trop s’occuper de son école de cavalerie et de ses fours à poulets, sans analyser ses décombres, dont les gros murs sont construits par un art particulier avec des vases de terre superposés et pris dans la maçonnerie, bâtisse plus légère et plus aérée que solide, on a encore devant soi deux lieues de plaines cultivées à parcourir avant d’atteindre les plateaux stériles où sont posées les grandes pyramides, sur la lisière du désert de Libye.

Plus on approche, plus ces colosses diminuent. C’est un effet de perspective qui tient sans doute à ce que leur largeur égale leur élévation. Pourtant, lorsqu’on arrive au pied, dans l’ombre même de ces montagnes faites de main d’homme, on admire et l’on s’épouvante. Ce qu’il faut gravir pour atteindre au faîte de la première pyramide, c’est un escalier dont chaque marche a environ un mètre de haut. En s’élevant, ces marches diminuent un peu, — d’un tiers tout au plus pour les dernières.

Une tribu d’Arabes s’est chargée de protéger les voyageurs et de les guider dans leur ascension sur la principale pyramides. Dès que ces gens aperçoivent un curieux qui s’achemine vers leur domaine, ils accourent à sa rencontre au grand galop de leurs chevaux, faisant une fantasia toute pacifique et tirant en l’air des coups de pistolet pour indiquer qu’ils sont à son service, tout prêts à le défendre contre les attaques de certains Bédouins pillards qui pourraient par hasard se présenter.

Aujourd’hui, cette supposition fait sourire les voyageurs, rassurés d’avance à cet égard ; mais, au siècle dernier, ils se trouvaient réellement mis à contribution par une bande de faux brigands, qui, après les avoir effrayés et dépouillés, rendaient les armes à la tribu protectrice, laquelle touchait ensuite une forte récompense pour les périls et les blessures d’un simulacre de combat.

La police du roi d’Égypte a surveillé ces fourberies. Aujourd’hui, l’on peut se fier complétement aux Arabes gardiens