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LES FEMMES DU CAIRE.

Mais ce qui manque en général aux harems les plus princiers, ce sont des lits.

— Où couchent donc, disais-je au cheik, ces femmes et leurs esclaves ?

— Sur les divans.

— Et n’ont-elles pas de couvertures ?

— Elles dorment tout habillées. Cependant il y a des couvertures de laine ou de soie pour l’hiver.

— Je ne vois pas dans tout cela quelle est la place du mari ?

— Eh bien, mais le mari couche dans sa chambre, les femmes dans les leurs, et les esclaves (odaleuk) sur les divans des grandes salles. Si les divans et les coussins ne semblent pas commodes pour dormir, on fait disposer des matelas dans le milieu de la chambre, et l’on dort ainsi.

— Tout habillé ?

— Toujours, mais en ne conservant que les vêtements les plus simples, le pantalon, une veste, une robe. La loi défend aux hommes, ainsi qu’aux femmes, de se découvrir les uns devant les autres à partir de la gorge. Le privilège du mari est de voir librement la figure de ses épouses ; si sa curiosité l’entraîne plus loin, ses yeux sont maudits : c’est un texte formel.

— Je comprends alors, dis-je, que le mari ne tienne pas absolument à passer la nuit dans une chambre remplie de femmes habillées, et qu’il aime autant dormir dans la sienne ; mais, s’il emmène avec lui deux ou trois de ces dames…

— Deux ou trois ! s’écria le cheik avec indignation ; quels chiens croyez-vous que seraient ceux qui agiraient ainsi ? Dieu vivant ! est-il une seule femme, même infidèle, qui consentirait à partager avec une autre l’honneur de dormir près de son mari ? Est-ce ainsi que l’on fait en Europe ?

— En Europe ? répondis-je. Non, certainement ; mais les chrétiens n’ont qu’une femme, et ils supposent que les Turcs, en ayant plusieurs, vivent avec elles comme avec une seule.

— S’il y avait, me dit le cheik, des musulmans assez dépravés