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VOYAGE EN ORIENT.

aux environs du Caire, et nous la revendrons en détail, le prix que nous voudrons, aux éleveurs de vers à soie ; mais il faut un peu d’argent comptant ; c’est ce qu’il y a de plus rare dans ce pays ; le taux légal est de 24 pour 100. Pourtant, avec des spéculations raisonnables, l’argent se multiplie… Enfin n’en parlons plus. Je vous donnerai seulement un conseil : vous ne savez pas l’arabe ; n’employez pas le drogman pour parler avec votre esclave ; il lui communiquerait de mauvaises idées sans que vous vous en doutiez, et elle s’enfuirait quelque jour ; cela s’est vu.

Ces paroles me donnèrent à réfléchir.

Si la garde d’une femme est difficile pour un mari, que ne sera-ce pas pour un maître ! C’est la position d’Arnolphe ou de Georges Dandin. Que faire ? L’eunuque et la duègne n’ont rien de sûr pour un étranger ; accorder tout de suite à une esclave l’indépendance des femmes françaises, ce serait absurde dans un pays où les femmes, comme on sait, n’ont aucun principe contre la plus vulgaire séduction. Comment sortir de chez moi seul ? et comment sortir avec elle dans un pays où jamais femme ne s’est montrée au bras d’un homme ? Comprend-on que je n’eusse pas prévu tout cela ?

Je fis dire par le juif à Mustafa de me préparer à dîner ; je ne pouvais pas évidemment mener l’esclave à la table d’hôte de l’hôtel Domergue. Quant au drogman, il était allé attendre l’arrivée de la voiture de Suez ; car je ne l’occupais pas assez pour qu’il ne cherchât point à promener de temps en temps quelque Anglais dans la ville. Je lui dis à son retour que je ne voulais plus l’employer que pour certains jours, que je ne garderais pas tout ce monde qui m’entourait, et qu’ayant une esclave, j’apprendrais très-vite à échanger quelques mots avec elle, ce qui me suffisait. Comme il s’était cru plus indispensable que jamais, cette déclaration l’étonna un peu. Cependant il finit par bien prendre la chose, et me dit que je le trouverais à l’hôtel Waghorn chaque fois que j’aurais besoin de lui.