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LES FEMMES DU CAIRE.

marques, un tatouage qui représentait une sorte de soleil, Le menton était aussi tatoué en fer de lance, et la narine gauche percée de manière à recevoir un anneau. Quant aux cheveux, ils étaient rongés par devant à partir des tempes et autour du front, et, sauf la partie brûlée, ils tombaient ainsi jusqu’aux sourcils, qu’une ligne noire prolongeait et réunissait selon la coutume. Quant aux bras et aux pieds teints de couleur orange, je savais que c’était l’effet d’une préparation de henné qui ne laissait aucune marque au bout de quelques jours.

Que faire maintenant ? Habiller une femme jaune à l’européenne, c’eût été la chose la plus ridicule du monde. Je me bornai à lui faire signe qu’il fallait laisser repousser les cheveux coupés en rond sur le devant, ce qui parut l’étonner beaucoup ; quant à la brûlure du front et à celle de la poitrine, qui résultait probablement d’un usage de son pays, car on ne voit rien de pareil en Égypte, cela pouvait se cacher au moyen d’un bijou ou d’un ornement quelconque ; il n’y avait donc pas trop de quoi se plaindre, tout examen fait.


III — SOINS DU MÉNAGE


La pauvre enfant s’était endormie pendant que j’examinais sa chevelure avec cette sollicitude de propriétaire qui s’inquiète de ce qu’on a fait de coupes dans le bien qu’il vient d’acquérir. J’entendis Ibrahim crier au dehors : Ya, sidy ! (eh ! monsieur !) puis d’autres mots où je compris que quelqu’un me rendait visite. Je sortis de la chambre et je trouvai dans la galerie le juif Yousef qui voulait me parler. Il s’aperçut que je ne tenais pas à ce qu’il entrât dans la chambre, et nous nous promenâmes en fumant.

— J’ai appris, me dit-il, qu’on vous avait fait acheter une esclave ; j’en suis bien contrarié.

— Et pourquoi ?

— Parce qu’on vous aura trompé ou volé de beaucoup :