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En ce moment le supérieur entrait. Faust lui demanda à quel usage on destinait ces feuilles quand elles seraient grattées.

Il s’agissait de reproduire un livre de controverse, Thomas A’Kempis, ou quelque autre. Faust ne demanda d’autre prix de son travail que ce manuscrit, qu’il sauva ainsi de la destruction. Les moines sourirent de sa fantaisie et de sa simplicité. Il fallait un écrit pour qu’il pût sortir du couvent avec le livre. Le prieur le lui donna obligeamment, et imprima son cachet sur le parchemin. Un trait de lumière traversa l’esprit de l’orfèvre, il pouvait s’écrier : Euréka ! comme Archimède. Et combien il faut reconnaître la main de la Providence dans la combinaison de deux idées, quand on songe que depuis des milliers d’années on avait imprimé des sceaux et des cachets avec légendes, des inscriptions même (comme on en a retrouvé à Pompéi), qui servaient à marquer les étoffes ! Faust concevait la pensée de multiplier les lettres et les épreuves pour reproduire la parole écrite.

Faust emporta, comme la proie de l’aigle, le manuscrit et l’idée. — Cette dernière ne se présentait pas encore nettement à son esprit.

« Quoi ! se disait-il, il peut dépendre de l’ignorance ou de l’intention funeste de quelques couvents de moines de détruire à tout jamais la tradition intelligente et libre de l’esprit humain ! Les