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temps. Un vénérable monsieur, nous voyant arrêtés sur la route, se douta de l’objet de notre attention, et nous indiqua tout dans le plus grand détail. Ici était l’échafaud, là les troupes rangées dès la pointe du jour ; par là l’on attendait les étudiants d’Heidelberg ; mais ils arrivèrent trop tard, l’heure ayant été avancée ; ils ne purent que tremper leurs mouchoirs dans le sang et se partager les reliques de celui qu’ils appelaient le martyr.

Notre interlocuteur voulut bien nous donner une foule d’autres détails, tant sur cette fatale journée de l’exécution que sur le caractère, les habitudes et les conversations de Sand pendant les dix mois de captivité qui précédèrent sa mort ; il nous offrit de nous conduire chez lui pour nous faire voir un portrait unique qu’il avait fait faire lui-même à cette époque, mais il était trop tard pour que nous pussions nous arrêter encore à Manheim. Lorsque nous remerciâmes cet obligeant inconnu en prenant congé de lui, il nous dit : « Vous venez de causer avec le directeur de la prison de Manheim, qui a gardé Sand pendant dix mois. » Il n’eût pas été moins étonné s’il eût su à qui il venait de parler lui-même, mais mon compagnon ne jugea pas à propos de compléter le coup de théâtre.

Je croyais pour ma part en avoir fini avec Sand, dont je n’ai jamais beaucoup affectionné l’héroïsme, sans nier toutefois l’espèce de grandeur qui s’attache