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ému vivement de ce spectacle, sortit rapidement de la maison, et, près d’être saisi par des soldats qui passaient, il se frappa lui-même en criant : Vive l’Allemagne ! La blessure qu’il se fit alors fut si grave, qu’il en souffrit continuellement pendant les dix mois que dura son procès, et en serait mort sans doute dans le cas même où sa liberté lui aurait été rendue.

Plus loin, l’on nous montra l’auberge où il était descendu et où il avait dîné à table d’hôte le jour même de l’assassinat. Après le repas, il était resté une demi-heure encore à causer sur la théologie avec un ecclésiastique. Toute la ville est remplie de ce drame, et les habitants n’ont guère d’autres récits à faire aux étrangers. On nous conduisit encore au cimetière, où la victime et l’assassin reposent dans la même enceinte. Seulement Carl Sand est enterré dans un coin, et la place où furent déposés son corps et sa tête n’a d’autre ornement qu’un prunier sauvage. Pendant longtemps ce fut, nous dit-on, un lieu de pèlerinage, où l’on venait de toute l’Allemagne ; le prunier était dépouillé de toutes ses feuilles et de toutes ses branches à chaque saison.

La tombe de Kotzebue avait eu aussi ses fidèles moins nombreux. C’est un monument de pierre grise d’une apparence bizarre. Une pierre carrée qui le surmonte, posée sur un de ses angles, est soutenue par deux masques antiques qui expriment la dou-