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ne peut se comparer qu’à celui des momies d’un duc de Nassau et de sa fille que l’on fait voir à Strasbourg dans l’église de Saint-Thomas. Il est impossible de mieux dépoétiser la mort et de railler plus amèrement l’éternité.

Maintenant résonnez, notes sévères du chant d’église, notes larges et carrées qui traduisez en langage du ciel l’idiome sacré de Rome ! Orgue majestueux, répands tes sons comme des flots autour de cette nef à demi profane ! Voix inspirées des saintes filles, élancez-vous au ciel entre le chant de l’ange et le chant de l’oiseau ! La foule est grande et digne sans doute d’assister au saint sacrifice. Les étrangers ont la place d’honneur, ils occupent le chœur et les chapelles latérales. Les habitants du pays remplissent modestement le fond de l’église, agenouillés sur la pierre ou rangés sur leurs bancs de bois. Ici commença la plus singulière messe que j’aie jamais entendue, moi qui connais les messes italiennes pourtant. C’était une messe d’un goût rococo comme toute l’église, une messe accompagnée de violons et fort gaiement exécutée. Bientôt les chants s’interrompirent, et les sœurs augustines descendirent d’une sorte de grande soupente établie derrière l’orgue et masquée d’une grille épaisse. Ensuite on n’entendit plus qu’une seule voix qui chantait une sorte de grand air, selon l’ancienne manière italienne. C’étaient des traits, des fioritures incroya-