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che, en retour d’équerre, une chapelle gothique neuve, où sont les tombeaux des margraves et tout ce qu’on a pu recueillir de vitraux historiques et de légendes inscrites sur le marbre. Maintenant représentez-vous une décoration intérieure d’église d’un pompadour exorbitant, des saintes en costumes mythologiques, dans les attitudes les plus maniérées du monde, portées, soutenues, caressées par des petits démons d’anges, nus comme des petits amours. Les chapelles sont des boudoirs ; la rocaille s’enlace autour de charmants médaillons et de peintures exquises de Vanloo. Deux autels seulement ramènent l’esprit à des idées lugubres, en exposant aux yeux les reliques trop bien conservées de saint Pius et de saint Bénédictus ; mais là encore on a cherché le moyen de rendre la mort présentable et presque coquette. Les deux squelettes, bien nettoyés, vernis, chevillés en argent, sont couchés sur un lit de fleurs artificielles, de mousse et de coquillages, dans une sorte de montre en glace. Ils sont couronnés d’or et de feuillages ; une collerette de dentelles entoure les vertèbres de leur cou, et chacune de leurs côtes est garnie d’une bande de velours rouge brodé d’or : ce qui leur compose une sorte de pourpoint tailladé à jour du plus bizarre effet. Bien plus, leurs tibias sortent d’une espèce de haut-de-chausses du même velours à crevés de soie blanche. L’aspect ridicule et pénible à la fois de cette mascarade d’ossements