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cette soirée. Je doute qu’aucune ville de l’Europe soit mieux située que Baden pour cette exhibition de beautés européennes où l’Angleterre et la Russie luttent d’éclat et de blancheur, tandis que les formes et l’animation appartiennent davantage à la France et à l’Allemagne. Là, Joconde trouverait de quoi soupirer sans courir le monde au hasard. Là, don Giovanni ferait sa liste en une heure, comme une carte de restaurant, quitte à séduire ensuite tout ce qu’il aurait inscrit.

Que vous dirai-je, d’ailleurs, de ce bal, sinon que ce sont là d’heureux pays où l’on danse l’été pendant que les fenêtres sont ouvertes à la brise parfumée, que la lune luit sur le gazon, et teint au loin le flanc bleuâtre des collines ; quand on peut s’en aller de temps en temps respirer sous les noires allées, et qu’on voit les femmes parées garnir au loin les galeries et les balcons ? Ces trois choses, beauté, lumière, harmonie, ont tant besoin de l’air du ciel, des eaux et des feuillages, et de la sérénité de la nuit ! Nos bals d’hiver de Paris, avec la chaleur étouffée des salles, l’aspect des rues boueuses au dehors, la pluie qui bat les fenêtres, et le froid impitoyable qui veille à la sortie, sont quelque chose d’assez funèbre, et nos mascarades de février ne nous préparent pas mieux au carême qu’à la mort.

Il n’y a donc jamais eu un homme riche, à Paris,