Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, comme tous les autres ; mettez-moi où vous voudrez.

On me sert en effet le même souper qu’à mon vis-à-vis ; seulement l’hôte était allé chercher une nappe, de l’argenterie, et avait couvert la table autour de moi de hors-d’œuvre auxquels prudemment je ne touchai pas.

Ce brillant service me parut de mauvais augure, et je vis tout de suite que le monsieur perçait sous le piéton ; c’était à la fois flatteur et inquiétant. Ma redingote n’avait rien de merveilleux : en somme, plusieurs des jeunes gens qui étaient là en portaient d’aussi propres ; ma chemise fine peut-être m’avait trahi. Je suis sûr que ces gens me prenaient pour un prince d’opéra-comique, qui se découvrirait plus tard, montrerait son cordon, et les couvrirait de bienfaits. Autrement, je m’expliquerais mal les cérémonies qui se firent pour mon coucher. On commença par m’apporter des pantoufles dans la salle même du gasthaus (cabaret) ; puis la maîtresse de la maison, avec un flambeau, et l’hôte avec les pantoufles, que je n’avais pas voulu chausser devant tout le monde, m’accompagnèrent par un escalier tortueux, dont ces gens paraissaient honteux, à une chambre, la plus belle de la maison, qui était à la fois la chambre nuptiale et celle des enfants ; on avait déplacé à la hâte ces malheureux petits, traîné leurs lits dans le corridor, et rassemblé dans la