Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Treize, et qui fait preuve, je crois, de quelque philosophie, je pris un simple potage à l’hôtel du Corbeau, où l’on m’avait accueilli en prince russe. Je prétextai, comme les beaux du calé de Paris, mon mauvais estomac qui m’empêchait de faire un dîner plus solide, et je repartis bravement pour Baden aux rayons du soleil couchant.

III. Les voyages à pied.

Je vous préviens qu’une fois passé sur le pont de Kehl, qui balance sur le Rhin son chapelet immense de bateaux, après avoir payé le passage du pont aux douaniers badois et échangé mes gros sous français contre des kreutzers légèrement argentés, voilà que j’entre en pleine Forêt-Noire. Est-ce moi qui ai à redouter les voleurs ? Est-ce moi que les voyageurs ont à redouter ?

Cette forêt n’a rien de bien terrible au premier abord ; du haut des remparts de Strasbourg, on aperçoit sa verte lisière qui cerne des monts violets ; des villages liants se montrent dans les éclaircies ; les charbonneries fument de loin en loin. Les maisons n’ont pas un air trop sauvage ; les cabarets présentent cette particularité locale, que, quand vous demandez un verre d’eau-de-vie, on vous sert un verre de kirsch. Du moment qu’on s’est bien en-