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s’y promène entre deux allées d’orangers. La rue Brûlée, où siége le gouvernement, ne manque que de largeur, et la rue du Dôme est devenue la rue Vivienne de Strasbourg ; à l’heure qu’il est, on l’a pavée en asphalte, et ses trottoirs, déjà terminés, portent partout la signature ineffaçable de la société Lobsann. Le bitume envahit peu à peu Strasbourg, et ce n’est pas malheureux, vu l’imperfection du pavage actuel ; dans une ville pavée en cailloux, le bitume est roi.

Si vous êtes déjà las de la ville, je ne le suis pas moins que vous ; nous n’y laissons plus rien de remarquable que le tombeau du maréchal de Saxe, énorme catafalque de marbre noir et blanc, sculpté par Pigalle, et d’un rococo remarquable, bien que présentant de belles parties de sculpture. Le héros, fièrement cambré dans son armure et dans ses draperies, produit exactement l’effet du commandeur de don Juan. On est tenté de l’inviter à souper.

Pour sortir de Strasbourg et se rendre aux promenades publiques, il faut traverser de nouveau l’Ille, qui coule de ce côté entre le théâtre et les remparts. Lorsqu’il s’est agi d’établir des bateaux à vapeur devant naviguer de Strasbourg à Bâle par le canal intérieur, la ville a dû faire couper la plupart des ponts pour les rendre mobiles. Alors ses architectes y ont construit des pont-levis qui rappellent l’enfance de la mécanique.